Le combat des genres et cibles éditoriales

« Shonen c’est pas un genre ! »

Voilà une phrase qui revient indubitablement dès que quelqu’un fait la malheureuse erreur de parler d’un manga shonen en tant que genre. Posons nous un peu la question du pourquoi est-ce qu’on reproche une faute dans cette expression. Et surtout : est-ce réellement une faute ?

1. La signification au Japon

Le Japon, qui est donc à l’origine des termes « shonen, shojo, seinen, josei, kodomo » (et autres), utilise ces termes pour désigner une cible éditoriale. Et qu’est-ce qu’une cible éditoriale ? C’est tout simplement des catégories de personnes. Ça ne serait pas très utile de repréciser chacun de ces termes, car je suis sûr que vous les connaissez tous, même ceux qui font l’erreur de dire que c’est un genre. Mais comme j’ai envie de meubler, je vais quand même les lister

  • Shonen : pour les jeunes garçons
  • Shojo : pour les jeunes filles
  • Seinen : pour les jeunes adultes hommes
  • Josei : pour les jeunes adultes femmes
  • kodomo : pour les enfants
  • Seijin : pour les adultes hommes
  • Redisu : pour les adultes femmes

Et contrairement à ce que beaucoup disent, le hentai n’est pas une cible éditoriale, et même s’il existe des magazine exclusivement composé de ça, ou même si ça veut dire « pervers ». Non, c’est juste un genre comme l’est le genre action ou aventure ou romance etc. Sinon on appellerait ça des mangas « hentai porno » ou « hentai sexe ». Nope, le hentai se défini lui même en temps que vrai genre à part entière.

Mais dans tout ça, bien que ce soit les japonais qui sont censés être maîtres de ce mot et donc qu’on devrait se plier bien gentiment à leurs définitions, nous en France, on aime ne pas comprendre les choses et ainsi utiliser à travers ces mots. Cherchez pas, c’est exactement le même débat que pour le terme otaku.

2. La signification en France

Attention, j’écris « la signification en France », mais c’est juste parce que c’est la majorité et les médias qui nous informe en pensant le dire comme ça, du coup bah c’est ancré dans la tête de la populace crédule. Mais est-ce forcément en mal ?

Chez nous donc, ces termes sont vite confondus en tant que genres à part entière. Si on dit shonen, on pense vite au fait qu’il faut que ça bastonne dedans, si on dit shojo, on dit que c’est parce que c’est cucul la praline avec de la romance, et si c’est seinen, c’est que c’est trop dark et donc forcément trop bien, juste parce que souvent il y a du sang et de la mort.

Je généralise beaucoup et c’est complètement fait exprès… Mais est-ce qu’on peut réellement contredire ce fait et donc forcément dénigrer l’emploi de ces termes comme tel ? Si on observe la correspondance du terme avec les oeuvres qu’ils contiennent, c’est plutôt vrai dans une grande majorité des cas, donc les gens qui « se plantent » n’ont pas spécialement tord, et en plus, ceux qui s’énervent devant leur écrans en les corrigeant avaient très bien compris l’emploi de ces termes dans leur contexte… En clair, tout le monde se comprend quand on parle de ça, donc avons-nous réellement une raison de gueuler ?

M’enfin d’un autre côté, ces termes sont beaucoup trop généraux dans leur utilisation en France, on voit très souvent des jeunes qui se disent mordus d’animation japonaise crier qu’ils sont matures juste parce qu’ils regardent des seinen dark comme Psycho Pass et Tokyo Ghoul (je prend des récents). Déjà c’est con parce qu’une fois sur deux, ils ne se sont pas renseignés, et en plus de ça ils ne savent pas exactement tout ce qui se cache réellement derrière certains termes.

Restons dans le cas du seinen, car c’est le plus rigolo d’entre tous.

Les faux seinens

On entend très souvent les gens dire qu’ils ne lisent uniquement des seinen car à partir d’un certain âge, on a envie de regarder ‘des trucs plus matures, qui font réfléchir etc.’ Chose tout à fait louable, même si dans la plupart des cas on pourrait juste penser que c’est pour essayer d’appartenir à une communauté qui se dit « plus mature que les autres » car ils ne cherchent que des œuvres qui vont leur faire réfléchir à leur propre existence sur cette planète.

Prenons un exemple connus de tous et avec qui encore beaucoup aiment se planter : Death Note. N’y allons pas par 4 chemins, c’est un shonen (paf à ton kokoro), de par sa publication japonaise. Mais pourtant, ce manga aborde pas mal de thèmes qui font que nous, français, on a tendance (à juste titre) à vouloir le catégoriser comme un seinen. Je vais pas vous les énumérer, vous les connaissez sans doute, ils sont facilement décelables dans l’oeuvre, et plein d’autres personnes en parlent, même dans les mauvais podcasts.
Donc dans son cas, qu’on emploie l’un ou l’autre, il y aura toujours à un certain endroit ce foutu débat de savoir si c’est l’un ou l’autre, alors qu’au final, pour nous français : on en a strictement rien à battre techniquement, étant donné que la cible éditoriale ne fonctionne que sur la population japonaise. D’autre part, qu’on emploi l’un ou l’autre, on est tous au courant des pour et des contres qu’ils soient dans l’un ou l’autre, donc ça vaut vraiment le coup de se mettre sur la tronche pour ça ?

Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiis… ultimement… on devrait tout de même dire que c’est un shonen, et même pas avoir à débattre sur son appartenance à l’autre. Pourquoi ? Juste par simple question « historique / culturelle ». J’entends par là sa place dans le temps à sa naissance. Les japonais ont décidés de le mettre dans un magazine shonen, c’est donc un shonen, point. Ils l’ont décidé ainsi et on peut rien y faire. A partir de là, dire que c’est un seinen est faux car c’est tout simplement pas la bonne référence de base. Dire qu’il s’agisse d’un shonen à contenu tendant plus au seinen est déjà plus acceptable… Mais sérieusement, est-ce que ce n’est pas se compliquer la tache que de dire tout simplement « c’est un manga policier et psychologique » ? Les genres ont été inventés pour classer tout ça de manière plus précise, pas la peine de généraliser avec « shonen » et « seinen » qui sont source de débats interminables (et qui changera rien à vos vies d’ailleurs…).

Death Note est un exemple, mais nombreux sont dans ce cas, à plus ou moins juste titre.

Les vrais seinens, mais pas seinen

Vous les connaissez ?

Mais si, vous les avez déjà vu, et très très certainement passé votre chemin juste en regardant la gueule des personnages. Si je vous dit, K-on, Kiniro Mosaic, Gochuumon wa usagi desuka, Wakaba Girls, Non Non Biyori, Tonari no Seki-kun ou même le manga Kantai Collection, que tout ça sont des seinen à part entière, je suis sûr que la majorité de la communauté manga ne me prendrait pas à sérieux.

Après tout, la majorité d’entre eux n’ont que pour point commun l’humour et ont pour réputation d’avoir une histoire aussi existante que la poitrine de Taiga. Et… c’est tout à fait vrai, mais en même temps c’est pas du tout leur but d’être des mangas à histoire, vu que la majorité d’entre eux sont des 4-koma.

Mais pourquoi donc est-ce qu’ils sont alors catalogués comme des seinen ? Pour faire simple, vous prenez une personne dans la moyenne d’âge de la cible seinen, vous mettez l’image de l’une des oeuvres précédemment cité, et si vous avez l’esprit un poil tordu, alors vous avez la réponse à cette fameuse question. Et c’est tout con, et un peu dégueulasse, mais c’est vraiment ça.

Du coup avec ce genre d’œuvres, je rigole bien fort à ces personnes se sentant comme un jeune adulte accompli du fait qu’il ne jure que pas des oeuvres « seinen », alors que cette facette existante fait part entière de toute la clique seinen.

Pour conclure

On est pas japonais, on n’achète même pas les magazine du Japon, donc toutes ces histoires de « shonen, shojo, seinen, etc. » ne nous concerne pas à la base.

Utilisons ces termes uniquement pour remettre l’oeuvre dans son contexte, puis utilisons les vrais genre qui leur ont été attribués. N’est-ce pas plus simple de dire que Death Note est un thriller policier plutôt qu’un shonen ? Que l’attaque des titans c’est de l’action post-apocalyptique dark-fantasy ou ce que vous voulez, plutôt que shonen ? Que Fairy Tail c’est de la merde tout simplement ?

Même si j’ai bien conscience qu’un simple article (ou une vidéo) ne va pas changer les mentalités, si on pouvait juste faire l’effort de remettre dans la vérité de manière diplomate ceux qui se sont planté dans l’emploi de ces cibles éditoriales, le monde se porterait mieux. Encore une fois, ça ne sert strictement à rien de faire une fixation lorsque quelqu’un se trompe, surtout que vous êtes bien conscient que vous avez très bien compris ce que la personne en face voulait dire. C’est pas compliqué de dire gentiment qu’il s’est trompé et vous pouvez revenir sur le sujet principal de l’oeuvre qui est sans doute plus intéressant que le débat stérile shonen ou seinen. Ou mieux, laissez le dans l’ignorance s’il est têtu et concentrez vous sur un autre problème.

Oh, et petite précision qui pourrait paraître anodine : les animes ne possèdent pas ces qualifications, c’est réservé uniquement aux mangas ;3



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